« La mort, l'égalité et les regrets »Consultez également les autres discussions qui parlent de Hommages.
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15/11/2024 à 06:18:20 |
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oralyia |
Le 14 Novembre 2024 à 10h27, le cœur de mon Baron s'est arrêté.
C'était un jeune chat fougueux, qui faisait de l'effet à tout le monde avec ses grands yeux plein d'intelligence. Il avait une voix de garçon, j'ai toujours trouvé ça amusant. Une vraie voix grave, beaucoup plus grave que la plupart des chats (sans être dans du siamois non plus).
Il aimait crier quand il sortait des toilettes. "MAROUAAAAAANK !". Il ne miaulait pas souvent, voire jamais, mais il était très vocal. Il "roinroinquait", comme je m'amusais à le dire. "Rrrrrrrroooon. RRRRrrrr. Brrrrrrrrooon." Des vocalisations comme ça. Tout le temps, toute la journée, pour n'importe quelle raison. J'adorais ça.
Je l'avais adopté à la SPA de Poitiers en fin Janvier 2022. Il était né le 25 Septembre 2021, c'était encore un chaton. Il nous a fait craquer dans sa petite cage, la première chose qu'il a fait quand j'y ai passé mes doigts, c'est de m'agripper avec ses griffes et de me mordre. C'était exactement ce que je recherchais, un chaton à canaliser.
Et se canaliser, oh... il l'a fait d'une telle manière ! Quand il était "colère" ou agacé dans le jeu, plutôt que de brusquement péter un boulon en nous déchiquetant les mains, il se tapait les pattes avants avec les pattes arrière de façon frénétique. C'était devenu une phrase fétiche. "Oh je me tape la patte !", m'amusais-je en le voyant faire.
C'était un chat extrêmement proche de l'humain, extrêmement câlin. Parfois, d'une manière surprenante. Si on se sentait bizarre, mal, ou qu'on ne lui accordait pas l'attention qu'il exigeait, il avait cette habitude de poser la patte sur nous, pour nous rappeler qu'il était là. Parfois, c'était carrément les deux pattes avant, debout contre nous, à nous regarder de ses immenses yeux verts.
Qu'il était beau mon chat. Le seule mâle parmi un groupe de quatre chats, donc trois femelles avec lui, adoptées à la SPA aussi, toutes un peu plus jeunes que lui. Évidemment, tout le monde était stérilisé. Mais ça n'empêchait pas Baron de hurler comme un chat en rut parfois, et c'était tellement drôle.
Tant de choses que je n'entendrai plus jamais... que je ne dirai plus jamais. Tant de choses qui me manqueront pour toujours. Ses petites habitudes, son maniérisme... il ne portait pas ce prénom pour rien.
Pour ceux qui connaissent le Ghibli "Le royaume des chats", vous vous souvenez probablement de Baron, le chat crème et roux magnifique qui conduit Haru au Royaume. Non seulement mon Baron lui ressemblait physiquement, mais en plus, il agissait comme un gentleman, et avec dignité, dans toutes les situations. Il laissait toujours les femelles manger avant lui. Il était toujours là pour calmer le jeu quand ça se battait un peu trop. Il aimait se tenir droit comme une statue et surveiller la maison.
Il adorait prendre la pose pour l'appareil photo.
C'était un chat absolument formidable. Un chat qui est mort à trois ans seulement, en ne nous laissant qu'une semaine pour comprendre ce qui lui arrivait et accepter la fin.
Tumeur au cerveau, mal épileptique sans réponse aux traitements. Première crise Samedi 9 Novembre peu après minuit, dernière crise juste avant l'euthanasie, et une bonne trentaine entre Samedi et Mercredi.
Il ne nous a pas laissé la chance de lui dire adieu en étant conscient. Quand le vétérinaire l'a ammené - il était hospitalisé depuis Lundi, il s'est aussitôt prostré et est entré en crise. La crise la plus violente que j'avais jamais vu, tout comme le vétérinaire. Comme une dernière confirmation que notre choix était le bon, mais une confirmation privative. J'aurais aimé pouvoir lui parler en sachant qu'il était conscient. Nous avons préféré l'endormir rapidement, lui faire longuement nos adieux puis passer à la seconde injection.
Il est parti tranquillement, en deux secondes, malgré les craintes du vétérinaire qui ne savait pas comment son système nerveux abîmé allait réagir. J'avais les doigts sous sa gorge et j'ai senti son cœur s'arrêter alors que le vétérinaire n'avait pas fini de vider la seringue.
J'ai le cœur broyé, du ciment qui sèche dans ma gorge et mes poumons. J'ai physiquement mal, et mentalement... mentalement, c'est la paix.
Je suis extrêmement triste, bien évidemment. Mais c'est surtout une nouvelle leçon d'humilité pour moi.
J'ai perdu une personne très chère à mon cœur quand j'avais tout juste seize ans, la mère de mon meilleure ami. Je la considérais comme ma seconde maman. Nous avons tellement partagé ensemble... je l'aimais de tout mon être. Elle est morte à 43 ans d'un cancer au cerveau. 43 ans, deux fils de 16 et 10 ans...
Oh, quand on est dans le déni on se dit que c'est injuste et que les meilleurs partent en premier. Je pense plutôt que nous sommes tous égaux sur la mort et la maladie. L'une et/ou l'autre frappera un jour, de manière attendue ou fulgurante. La santé et la vie ne sont pas des couronnes à porter avec fierté, ce sont juste des tickets gagnants de loterie. Le prochain tirage se fera aussi au hasard.
Ce n'est ni juste, ni injuste. C'est ainsi. Peut-être que ma vision peut paraître fataliste, mais pour moi, elle est rassurante. Cette façon de penser m'assure que nous sommes égaux, et que tout ne tient qu'à la chance. L'aléatoire peut donner le vertige et faire peur, moi, il me rassure quand on parle de la maladie et de la mort. N'importe qui, n'importe quand.
C'est pour ça qu'il faut vivre sa vie au maximum, apprécier chaque instant qui peut être apprécié, regretter un maximum ses décisions, se donner le plus d'expérience possible. Pour moi, le regret, c'est l'assurance d'être conscient, l'assurance que tout le monde est logé à la même enseigne.
Je regrette de ne pas avoir été voir Baron durant sa courte hospitalisation, de ne pas avoir pu le voir une dernière fois dans un état "décent". Vivre, c'est regretter, ce sont tous ces actes manqués ou ces décisions tragiques qui nous accompagneront jusqu'à la fin. Mais pour moi, les regrets ne sont pas des chaînes qui entravent mes mouvements et me clouent au sol. Ce sont des liens, qui me rappellent le passé et qui m'aident à ne pas faire les mêmes erreurs, à ne pas être "stupide".
Il est bien chanceux ou oublieux, celui qui vit sans regret !
Merci à ceux qui m'auront lu. Ça fait sacrément du bien d'écrire, maintenant que tout est terminé.
Je vais réadopter dans quelques jours un jeune chat mâle de la même SPA. Qui ? Je ne sais pas encore. J'attends mon ticket !
(la dernière photo a été prise dimanche soir, quelques heures avant son hospitalisation, et quelques jours avant sa mort, entre deux crises).
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15/11/2024 à 10:32:09 |
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bridou |
Votre témoignage est très émouvant
Votre chat est magnifique
Je vous souhaite beaucoup de courage dans cette difficile épreuve |
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16/11/2024 à 04:00:48 |
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oralyia |
Je vous remercie.
Je suis surprise d'à quel point l'acceptation est facile, comme si j'avais franchi un cap dans ma façon d'appréhender la vie et la mort, la maladie et la disparition brutale d'un être cher. |
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16/11/2024 à 08:26:03 |
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gomh |
@oralyia, c'est toujours dévastateu !
A présent vous pouvez vous dire que avez eu la chance de partager des bons moments, et qu'il n'a pas eu à souffrir ... même si c'est un peu facile à dire, mais j'en suis à une 15aine de chats, donc je comprends.
Vous faites bien de penser à donner sa chance à un autre chat, moi je les prends par deux (ils se soutiennent au début)
Un jour, un ami m'a dit : il n'est pas parti le premier, il est arrivé le premier ... ça "aide" un peu ...
Bon courage !!
ps : la dernière photo est très jolie, je la conserverai |
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16/11/2024 à 10:24:49 |
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bridou |
Je vous admire oralyia de votre raisonnement je suis incapable d'accepter le départ de mon chat survenu le 29 juin dernier
Courage à vous |
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